BRÛME SUR LA MONTAGNE
Vingt-quatre juillet, réveil à cinq heures,
vous avez deviné que je suis un lève tôt.
Comme je le fais très souvent le matin,
je pars de bonne heure pour une randonnée.
Aujourd'hui, direction St-Fabien-sur-Mer
pour respirer un peu l'air salin
et activer le déclencheur de ma caméra.
Les pointes rocheuses, le bord du fleuve,
l'îlet au flacon aux multiples légendes
ou la chapelle Notre-Dame des Murailles
toute blanche et presque complètement
encastrée dans le feuillage vert
en cette période de l'année;
que de bons sujets à mette sur fichier.
J'arrive au village de "St-Fab",
une brûme à trancher au couteau m'y attend.
Je me dis d'abord: "Pas de photos aujourd'hui".
Cependant je conserve l'idée d'une ballade;
à pied, sur le bord du fleuve ou,
pourquoi pas, sur la montagne,
la montagne du chemin de croix.
Oui, ce petit chemin abrupte,
jadis, était bordé de quatorze panneaux,
représentant chacun une station
du chemin de croix catholique.
Les gens récitaient des prières
et tableau après tableau, lentement,
ils montaient jusqu'à la croix
et terminaient leur périple
par un pique-nique familial
proche de la cabane en haut de la montagne.
Normalement, la vue y est superbe
mais ce matin, avec le brouillard
le seul bénéfice sera le cardio.

Je gare la voiture sur la côte de la mer
et je m'engage dans le vieux chemin;
J'hésite avant de prendre ma caméra
mais je me dis que la brûme matinale
finira peut-être par se dissiper.
Je suis presque rendu en haut
quand je rattrappe le soleil
qui péniblement, petit à petit,
tente de percer à travers le brouillard.
Lui rayonnant, moi essoufflé, en même temps,
nous arrivons à la vieille croix de bois.
Elle se dresse fièrement sur son calvaire;
"La montagne du Nord", comme on la nomme;
à cause de sa position géographique
par rapport au village.

Le brouillard recouvre tout.
Un véritable océan s'agite à mes pieds.
Tout blanc, sans cesse en mouvement,
il se déplace, roule et glisse
quelques mètres à peine plus bas.
que mon poste d'observation.
Les rayons du soleil brillent
sur une véritable mer de ouate
où les jeux d'ombres et de lumière
simulent les vagues déchaînées.

À l'est comme à l'ouest, l'horizon est sans fin.
De mon île, j'observe attentivement les environs.
Loin au sud, comme un second rivage
les montagnes de St-Eugène délimitent l'horizon.
Comme les oiseaux qui volent autour de moi,
j'ai l'impression de flotter au dessus des nuages,
au dessus de ces bruits de voitures et de camions
qui me parviennent de la 132, juste en bas.

Seules quelques îles émergent ici et là.
Au loin, avec ses granges et ses silos,
le rang de la Belle-Corne.
Cet îlot, à quelques degrés sur la droite,
c'est la montagne de la mine
avec sa grande croix lumineuse
que la clarté matinale a éteinte.
Et cet objet étrange qui pointe,
planté là au milieu de nulle part,
est-ce un satellite entouré de coupoles?
Est-ce un OVNI affublé d'antennes?
Peut-être des extra-terrestres
qui profitent de cet écran protecteur
pour épier les mouvements des fabiennois?
Non! Non! c'est la tour de relais radio
qui surplombe la montagne Beauchesne,
seule l'extrémité perce les nuages.

Le reste est comme un casse-tête
que j'aurais assemblé plusieurs fois.
J'en connais toutes les pièces par coeur.
Les yeux fermés je replace les morceaux.
Le village est là, devant moi, juste en face;
invisible et silencieux dans son réveil.
Se dressant en plein centre, l'église,
avec son clocher pointant vers le ciel.
J'entends des bruits et des voix
provenant du côté de la route de la mer;
sans doute les ouvriers des tourbières
qui reprennent leurs activités quotidiennes.
Dans un champ, non loin, du côté ouest,
le son grave du moteur d'un tracteur,
et le bruit métallique d'une faucheuse
trahissent des activités agricoles.
Derrière moi, il y a le fleuve St-Laurent,
je ne le vois pas, mais je sais qu'il est là,
brûme ou pas brûme, il est toujours là.

Je médite, étendu sur le rocher,
paupières clauses et somnolent.
J'ai comme perdu la notion du temps.
Je rouvre les yeux, un peu égaré,
le soleil luit un peu plus haut dans le ciel,
la brûme est complètement disparue
et les bruits sont assourdis et sans écho.
J'ai dû dormir une bonne heure.
Avec regret, je redescend la montagne.
Il faut que je me grouille le postérieur,
Je travaille à neuf heures ce matin.
Note:
_ On a enlevé la croix il y a quelques années.
_ La cabane ne fait plus partie du décor depuis plusieurs décennies.

TEXTES ET RIMETTES


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